Pour ses trois ans, un monstre était venu dérober le
gâteau (et il nous parle encore souvent de ce terrible Chapuzieux !)
Pour ses quatre ans, nous avions capturé un lutin et
réalisé grâce à lui une extraordinaire potion sucrée.
Pour ses cinq ans, nous pouvions espérer un anniversaire
calme. Que nenni !
Détonation, panache soudain de fumée bleue sur la route,
c’est le signe que la Fa¨rie recommence à déborder sur notre monde. Et en
effet, une princesse un brin ahurie et surtout très fatiguée apparaît sur le
chemin, un panier à la main. Elle révèle son identité aux enfants, entre deux
bâillements. C’est la Belle au Bois Dormant ! Mais elle a sommeil,
sommeil ! Personne n’aurait une tasse de café bien noir ? C’est que
cette histoire de baiser de prince a ses limites, au bout de quelques mois, au
mieux quelques années, paf ! Elle recommence à s’endormir à tout bout de
champ !
Mais elle a un plan. Et d’ailleurs, c’est pour ça qu’elle a
rendez-vous avec le Petit Chaperon Rouge. Mais où est-il, ce Chaperon ?
Nulle part à l’horizon ! C’est très ennuyeux. Avec le Chaperon, et le Loup
(rassurez-vous, il n’est pas si méchant quand on le connaît) elle prévoyait
d’aller demander l’aide d’une spécialiste ès maléfices et sommeils
définitifs : la Reine de Blanche-Neige. Non, non, je vous assure, elle
s’est rangée, elle est beaucoup moins méchante.
La Belle au Bois Dormant s’en va se coucher, vaincue par le
sommeil, et le Chaperon Rouge n’arrive toujours pas.
Nos six petits héros, paniers de pique-nique en main, s’en
vont donc vaillamment mener la quête à leur place. Ils entrent dans la forêt et
chantent : « Promenons-nous dans les bois / Tant que le Loup n’y est
pas / Si le Loup y était / Il nous mang… » Mais non voyons ! Est-ce
que vous voulez vous faire manger ? « Si le Loup y était / Il nous
aiderait ! »
Et le voilà, le Loup, tout de noir vêtu, un peu inquiétant,
un peu vaurien, mais bon bougre au fond et prêt à remplir sa part du marché et
à guider les enfants vers la Plus-Si-Méchante Reine.
« Seulement voilà, leur explique-t-il, je doute qu’elle
nous donne l’antidote gratuitement. Il faudrait lui trouver un cadeau en
échange. Pour ça, le mieux est de consulter son propre Miroir Magique. C’est le
seul à savoir vraiment ce qu’elle veut. »
Et en effet, la Reine les reçoit assez mal. Elle les traite
de microbes, et leur problème l’agace, tout ce qu’elle veut c’est retourner à
ses exercices de chant. Le chant est son hobby du moment, il faut bien se
distraire quand on veut se désintoxiquer du Mal.
Les enfants, malins, lui apprennent une ou deux nouvelles
chansons pour son répertoire. Elle ne les connaissait pas, la pauvre vieille
Reine, elle en était restée à Mozart. La voici donc qui vocalise sur
« Petit escargot » et « L’araignée Gypsie », pendant que
les enfants, toujours guidés par le Loup, se faufilent à l’intérieur.
Dans l’obscurité, ils se retrouvent face à un grand Miroir,
où un visage se dessine et leur répond ! Il leur suggère d’aller dérober
dans la mine des Nains un Anneau de pouvoir dont la Reine a grand désir. Contre
cet Anneau, elle donnera certainement l’antidote.
Le Loup est plein de ressources : il sort de sa besace
six fausses barbes et bonnets de nains pour déguiser les enfants. Ainsi
métamorphosés, ils se dirigent vers la mine où deux Nains travaillent.
D’arrache-pied. Depuis des siècles. Du coup, ils ne sont pas mécontents qu’on
leur envoie de la relève pour leur permettre une pause café. Mais attention,
que les recrues se contentent de creuser, hein ! Personne ne touche aux
coffres. Non, pas à celui-ci, qui contient le précieux or noir. Ni celui-là,
plein de gemmes brutes. Et encore moins celui-là, avec les gemmes taillées et
produits manufacturés.
Très intimidés, les enfants finissent par arriver à dérober
l’Anneau et à s’enfuir, poursuivis par la colère des Nains. Ils en sont réduits
à leur jeter les madeleines de leurs paniers.
Les voici à nouveau près de la Reine, et ils ont l’Anneau.
Mais… se demande l’aînée des enfants… est-ce vraiment une
bonne idée de le lui remettre ?[1]
Elle s’y décide finalement, à contrecœur, et la Reine leur
confie en échange l’antidote. C’est une pomme. Rouge, brillante, mais pas du
tout empoisonnée, promet-elle.
Les enfants s’en emparent, à demi-convaincus, mais un
obstacle imprévu surgit.
C’est le Lutin de l’an dernier, qui aime tant les pommes, et
a senti de loin le fumet magique de celle-ci. Il leur faut déployer des trésors
de persuasion pour éviter qu’il ne la dévore.
Enfin, ils retrouvent la Belle au Bois Dormant, qui dort au
bord du lac. Un baiser du Petit Magicien, une bouchée de pomme, et la voici
réveillée pour de bon. C’est peut-être bien Maman.
Tant il est vrai qu’on raconte rarement la fin du conte,
mais qu’elle a eu deux beaux enfants.
Tout le monde se remet de ses émotions. La table est aux
couleurs de Blanche-Neige, mais les pommes ne sont décidément pas empoisonnées,
et le gâteau promet mille autres contes.
A suivre : les secrets de réalisation !
Photos : Cécile de Papier Bonbon, et la Maman de la Maman des Magiciens
[1] Nous avons
beaucoup admiré sa sagesse, avant de réaliser que ce qui la gênait surtout,
c’est de se séparer de l’Anneau… Comme quoi.
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